23 Avril 2020
Zeus punit les hommes, par les femmes, d'avoir reçu de Prométhée les moyens de le défier et d'avoir trouvé, grâce aux œuvres prométhéennes, le remèdes à leur déficience originelle.
TITRE: Pour une Histoire des idées féministes, tome 1: Sapphô et Compagnie
AUTEUR: Auffret
EDITION: Labord
COLLECTION: Quartier Libre
NOMBRE DE PAGES: 281
DATE D' EDITION: 2006
GENRE: Essai
RÉSUMÉ:
Sapphô et compagnie est un essai qui tente de retracer l'histoire des idées féministes. Pour cela, Séverine Auffret part de mythes et d’œuvres théâtrales d'Euripide et d'Aristophane, de personnes marginales comme Sapphô, des conceptions de Platon et d'Aristote ou encore des différentes religions.
Voici le plan de l'essai:
I. Euripide et l'archéologie
II. Sapphô et ses filles
III. Femmes, mythe et comédie en Grèce antique
IV. Speculum philosophique
V. Traces d'idées féministes en marge du christianisme primitif
VI. Idées féministes en marge du judaïsme et de l'islam
VII. Sous le christianisme clérical: les "agents de Satan"
VIII. Poètes, saintes et savante: une "fraternité ontologique"
IX. Des subversives: fées, magiciennes, guerrières et hérétiques
EXTRAITS:
"Les études féministes se sont longtemps vouées à l'inventaire et à l'analyse des expressions historiques de la misogynie vécue, agie et pensée: travail utile, nécessaire, et toujours d'actualité.
Il est moins courant de porter l'accent sur les idées contraires qui ont donné en tous temps la réplique à ces idées misogynes: à savoir les idées féministes.
Mon objectif est d'inscrire la mémoire de ces idées, mais aussi d'en dégager le rythme, d'ne rechercher la raison d'être, de leur découvrir d'éventuelles corrélations ou causalités."P. 9, Introduction.
"L'intention "pédagogique" d'Euripide est formelle. Il veut explicitement instruire le peuple, le dèmos, et le faire réfléchir en introduisant sur la scène du spectacle la discussion."P.20, I
"Par un effet de "censure" au sens freudien, la femme, les femmes et le féminin ne se disent pas en Grèce antique dans l'histoire, mais "symptomatiquement" dans les mythes et dans le théâtre, surtout tragique- dans ce théâtre patronné par le dieu le plus incivique et le plus "féminin" du panthéon grec, Dionysos." P. 26, I
"Récitée, chantée continuellement depuis son époque jusqu'à nos jours, c'est la première voix féminine que l'histoire nous ait léguée." P. 39, II
"Enfin, Sapphô a légué son nom et celui de l'île de Lesbos où elle était née à toutes les femmes qui aiment les femmes: saphiques, ou lesbienne."P. 40, II
"Elle- même a subi des ennuis, des attaques matérielles qui l'ont menée à l'exil, donc à l'arrêt de son enseignement, des attaques verbales et écrites contre son oeuvre et sa personne, s'en prenant à elle en tant qu'elle était cette femme libre, poète, sexuellement ardente, incarnant un style original de vie." P. 41, II
"Dans l'Athènes classique, en revanche, la condition des femmes diffère peu de celle des femmes du Magreb d'aujourd'hui, voire de celles de l'Afghanistan sous les Taliban- y compris, on s'en étonnera peut- être, dans le détail du voile. [...] Si l'on veut encore comparer, on peut dire que le statut de la femme spartiate ressemble en grande part à celui de la femme sous le nazisme hitlérien (les "trois K" de la femme mariée: Kinder, Kirche, Küche- enfants, église, cuisine). [...] La femme athénienne est dépourvue de tout droit civique, elle ne fait pas partie du peuple (dèmos), elle n'est pas une citoyenne. Elle est privée de droits économiques: héritage, propriété." P. 50-51, II
"L'inconscient du comique-là, où il fait rire- est une pensée: mais c'est une pensée immédiate, inconsciente, irréfléchie." P. 65, III
"Zeus punit les hommes, par les femmes, d'avoir reçu de Prométhée les moyens de le défier et d'avoir trouvé, grâce aux œuvres prométhéennes, le remèdes à leur déficience originelle." P. 71, III
"Voici un des éléments qui, selon Freud, suscitent le rire: l'absurde de l'impossible." P. 80, III
"Alléguons cette comparaison freudienne avec la structure de l'inconscient dans le rêve, le mythe et le comique... Dans l'interprétation des rêves (Die traumendeutung) Freud relève un des mécanismes du rêves: le symbolique, dans lequel tout renvoie au sexuel -organes et actes. Une épée, un arbre, un phare, une tour désignent l'organe masculin. Un fourreau, une boîte, un sac, une outre: l'organe féminin. Un bateau, un cheval où n'importe quel autre moyen de transport : l'acte sexuel, etc.
A lire Aristophane, on croirait qu'il a lu Freud. Freud, en tout cas, a bien lu Aristophane." P. 82, III
" Le terme philosophique de "spéculation" vient du latin speculare qui signifie: regarder. Son sens est exactement le même que celui du grec theoria, étymologiquement lié à l'idée de théâtre: ce qu'on regarde, ce qu'on enveloppe dans un regard." P. 92, IV
"Contrairement à la plupart de ses contemporains, Platon considère les femmes comme égales aux hommes en intelligence, en courage et autres qualités morales. Les capacités de leurs corps leur permettent en outre de porter les armes et de faire d'excellents soldats. [...] Aussi intelligentes que les hommes, elles doivent recevoir le même enseignement qu'eux, sont capables de philosopher et même ... d'administrer l'Etat (CF. : République, V, 455e - 456)." P. 94- 95, IV
"La femme, pour Aristote, est naturellement inférieure à l'homme, eu égard au corps et à l'esprit. De ce fait, l'homme est "naturellement" fait pour commander, la femme pour obéir.[...] Il n'y a pas de mot, chez Aristote, pour désigner la citoyenne ou l'Athénienne, "les femmes sont situées aux limites de la cité et de la sauvagerie, de l'humain et de la brute." P. 105, IV
"Pour les Grecs païens, la virginité n'est pas une question de corps: est "vierge" celle qui n'est pas mariée, quand bien même elle aurait des relations sexuelles, tant qu'elles restent secrètes. C'est pourquoi n prouve la virginité d'une fille, non par un examen gynécologique mais par diverses ordalies: jugement par l'eau ou par la pierre..." P. 132, V
"Au VIIe siècle de l'ère chrétienne, à une époque où l'Eglise d'Occident doute que les femmes aient une âme, le surgissement de l'islam marque une évolution relative de la condition féminine.
Mahomet, Muhammad (570-632) naît au cœur d'une société patriarcale où les filles ne sont que des bouches à nourrir qu'on élimine en cas de trop plein en les enterrant vives. La pratique des mutilations féminines, excision et infibulation, est générale au sud de l'Arabie, au Yémen, en Somalie, en Ethiopie, en Egypte et dans une immense partie de l'Afrique noire.
L'islam offre à la "femme" pour la première fois, la possibilité d'être considérée "devant Dieu" comme "l'égal de l'homme". Mahommet interdit le meurtre des petites filles, déconseille toute mutilation sexuelle, ordonne au mari de subvenir aux besoins de sa femme et de lui "conserver son douaire" (ce qui n'était pas le cas chez les Grecs), crée pour la fille une part d'héritage qui-même réduite à la moitié de celle du fils- constitue à l'époque un progrès considérable: aucun héritage pour les filles chez les Grecs- comme dans les populations des régions où l'islam se répandra." P. 164, VI
APPRÉCIATION PERSONNELLE:
J'ai vraiment adoré lire cet essai! J'y ai appris beaucoup de choses, notamment sur la religion. Je vais très vite me procurer les autres tomes ! Bref, je vous le recommande !
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